L’INTIMITE d’ ALICE FERNEY

L’INTIMITE, quel beau roman! On s’attache très vite aux personnages :  le couple  d’architectes Ada et Alexandre ; Sandra, la voisine, célibataire convaincue , féministe mais dont l’amitié indéfectible s’avère salvatrice pour Alexandre se retrouvant veuf quand sa femme décède en couches ; le jeune Nicolas, d’une maturité et d’une intelligence surprenantes pour ses 5 ans ; Alba, enseignante, qui surprend Alexandre par sa beauté, sa détermination, son indépendance.  On est vite happé également par l’histoire dans laquelle on va de surprise en surprise. Enfin, surtout, Alice Ferney nous offre de beaux passages qui interrogent le lecteur sur le sentiment amoureux, le couple, la maternité, la famille, les réseaux sociaux et d’autres sujets plus épineux, telles la place de la femme dans la société, celle de l’enfant, la GPA ; en effet, chacun des personnages a une conception particulière du bonheur et lors d’échanges, souvent passionnés,  entre Alexandre et Sandra ou Ada et Sandra, elle est souvent remise en question.

« …elle n’aimait pas ce qui semblait trop conventionnel, et la famille peut l’être, cette vieille structure patriarcale qui concourt encore trop à l’asservissement féminin et au lissage des comportements. »

« Elle renonça à lui expliquer que son corps n’était pas destiné à la reproduction de l’espèce!… Elle ne raconta pas non plus qu’elle se connaissait et se protégeait d’elle-même : elle plaçait si haut la maternité que si elle avait un enfant elle ferait tout pour lui et ne s’appartiendrait plus. »

« L’enfant est devenu une richesse qu’il est de bon ton d’exhiber. Que faut-il en penser?…Longtemps le corps des femmes a appartenu aux hommes et celui des hommes à la Patrie, nous assistons à un basculement : désormais nos corps appartiennent au vaste réseau marchand. La bioéconomie a pris le pouvoir et contrôle notre idée de la « bonne vie ». Tout doit être fait pour les malchanceux de la procréation . Mais pourquoi veut-on faire croire aux gens qu’il est impossible d’être heureux sans enfant?… »

 » Skype était l’outil mirifique qui pulvérisait l’espace. L’absence était vaincue. Le lien se jouait des distances, il se nouait malgré elles. Chacun devenait ubiquiste. Après pareil miracle, qui déclarerait nocive la technologie numérique? Réunir, installer le dialogue, élargir la vie, unifier le monde dans l’échange, qui déplorerait ces bénéfices? Une caméra, un micro, un écran, et nos paroles, nos gestes, nos traits, nourrissaient le réseau. »