LE DERNIER MOUVEMENT de ROBERT SEETHALER

Le court roman de Robert Seethaler nous présente un Gustav Malher au soir de sa vie. Lors d’une (dernière?) traversée, le compositeur, souffrant, emmitouflé dans des couvertures sur le pont de l’Amerika qui le ramène, lui, sa femme Alma et sa fille Anna, en Europe, se souvient de moments marquants de sa vie, tristes ou heureux : l’été où il composa Le Chant de la Terre dans sa cabane de composition de la ferme de Toblach, les dix années de direction – on peut dire révolutionnaires –  de l’Opéra impérial de Vienne, sa rencontre avec Alma « la plus belle femme de Vienne », le décès de sa fille aînée,  la séance mémorable (ou à oublier!) chez Rodin à Paris parce qu’on avait décidé pour lui qu’on sculpterait son buste pour son cinquantième anniversaire, son engagement avec le Metropolitan Opera de New York…  Le chef d’orchestre, immense créateur, passionné, exigeant, « bourreau du pupitre », amoureux de la Nature, souvent source de son inspiration, était aussi un homme à la santé fragile, sensible, parfois gêné dans son corps, surtout lors de moments mondains ; le portrait qu’en dresse Robert Seethaler est tout à fait attachant et le roman, très intéressant.

« Le cri se composait de trois sons bien distincts, qui juraient avec l’aspect gracieux et pimpant de l’oiseau, ils étaient carrément méchants. Sarcastiques, éraillés, décousus – mais, précisément, tout à fait justes. C’étaient ces sons-là qui lui avaient manqué si longtemps, même s’il ne les avait pas consciemment cherchés. Soudain ils lui étaient donnés. Il s’agissait de les retenir. Une quarte et une tierce ascendantes. Sarcastiques, méchantes. Et puis une pause. Et une reprise. Et on recommence. Le reste allait de soi, une descendante, une ascendante, et ainsi de suite. »

« La création de la Huitième devait faire date dans l’histoire de la musique. Tel était du moins le dessein d’Emil Gutmann, l’imprésario  qui avait organisé la création munichoise de la Septième quelques années plus tôt… Seule la  Huitième symphonie de Malher était en mesure de satisfaire aux aspirations de monumentalité que nourrissait Emil Gutmann pour sa manifestation… La salle devait pouvoir accueillir quatre mille personnes. Un défi presque impossible à relever pour les architectes… le public devant pouvoir écouter dans des conditions optimales un orchestre qui comptait cent quatre-vingt musiciens, huit chanteurs solistes, cinq cents choristes et trois cent cinquante petits chanteurs du conservatoire de Munich ».