DERNIER NOËL DE GUERRE de Primo Levi

Lire des nouvelles de Primo Levi? Oui ! même si l’auteur italien, déporté en 1944 (mort en avril 1987), est sans doute davantage connu pour ses livres Si c’est un homme (1987) et La Trêve (1963),  oeuvres de l’écrivain-témoin de la Shoah, il n’a pourtant cessé d’écrire de nombreux textes courts. Il a d’ailleurs publié trois recueils de nouvelles (Histoires naturelles, Vice de forme et Lilith) et en a écrit beaucoup d’autres par ailleurs.

Le recueil Dernier Noël de guerre (1997) contient justement 13 nouvelles de genres différents qui ont paru dans diverses publications. A part la nouvelle éponyme et autobiographique, qui a pour cadre le Lager, près d’Auschwitz, les autres textes tantôt réalistes tantôt fantastiques font découvrir des fictions aux lecteurs des seuls romans les plus connus (néanmoins essentiels, bien sûr). Malgré quelques sujets sérieux voire dramatiques, la fantaisie, l’absurde et l’humour s’invitent souvent. Par exemple, dans Les Fans de spots de Delta Cep, une Céphéide, admiratrice d’un terrestre lui écrit une lettre : « …En ce qui me concerne, je suis fanatique de vos émissions télévisées, en particulier de la publicité pour les conserves de tomate. »  » … je tenais à vous dire que votre barbe a beaucoup plu à mes amies et à moi-même : chez nous, les hommes n’ont pas de barbe, ils n’ont même pas de tête… ». Dans la première nouvelle, Buffet, le narrateur, invité à une soirée, se sent très mal à l’aise ;  on se rend compte alors qu’il n’est autre qu’un kangourou, effectivement pas du tout à sa place dans ce lieu mondain (« …or le dîner en question était un de ces buffets mélancoliques où il faut choisir de loin, entre épaules et têtes, ce qu’on désire, dénicher les assiettes, dénicher les couverts et les serviettes en papier, faire la queue, atteindre la table, se servir, puis s’écarter à reculons en veillant à ne tâcher ni les autres invités ni sa propre personne… ») ; le comportement du kangourou figure en fait celui d’un être humain qui se sent étranger parmi d’autres, situation courante dans le monde des humains. Dans chacune des dernières nouvelles, le narrateur est un journaliste qui mène l’ interview d’un animal (taupe, goeland, girafe, araignée) et même d’une bactérie intestinale ; Primo Levi se montre alors un fin observateur de la vie animale qui en profite pour souligner travers et habitudes des humains. ( Dans Nez contre nez : « Journaliste. –  Pardon, mais quels sont donc les travaux masculins? Taupe.- Ils ressemblent un peu aux vôtres ; vous chassez les gros sous, et nous chassons les vers de terre. Vous les investissez en biens mobiliers ou immobiliers, et nous leur coupons la tête. »)

Comme l’a écrit Marco Belpoliti: « Le regard que Levi pose sur le monde animal est celui d’une longue-vue retournée sur le monde humain… » et bon nombre de ses nouvelles nous font réfléchir tout en nous amusant aussi parfois.