AMERICANAH de Chimamanda Ngozi Adichie

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  AMERICANAH, quel roman! C’est un récit féministe en premier lieu, d’ un féminisme qui d’ailleurs n’est pas réductible au genre, mais qui est plutôt défini ici comme un humanisme. Obinze un des personnages principaux est un jeune homme qui est éduqué dans la culture, l’amour de la littérature par une mère enseignante et qui de ce fait n’envisage pas les femmes comme une menace pour lui-même. Ifemelu évidemment, l’héroïne à la conscience aiguë et à l’observation aiguisée, ne transige pas avec sa position de femme nigériane affirmée.
Le récit s’interroge, par ailleurs,  sur le racisme, mal absolu lié à l’Histoire des Etats-Unis, qui continue de gangrener la société américaine, et sur la manière dont cette question délicate demeure encore dans la sphère de l’innommable, tissant de manière artificielle et névrosée les rapports sociaux, la violence et l’injustice.
J’ajouterai enfin qu’il s’agit d’une sublime histoire d’amour. Il est impossible de ne pas aimer Ifemelu ou de tomber amoureux d’ Obinze, ils sont l’incarnation de l’amour en tant que réunion de deux singularités qui ne se diluent pas dans le lien amoureux, qui existent pleinement dans leur identité respective, et c’est précisément ce qui cimente leur lien, l’un et l’autre admirent profondément leur singularité jusqu’à créer ensemble quelque chose d’unique : l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre, avec l’attente née de la certitude qu’ils se retrouveront. On pourrait en dehors du récit qui traite du racisme, du féminisme, dire que c’est le roman de l’exil, celui des rendez-vous manqués, du mauvais timing, de la vie qui s’évertue à briser le désir, le récit de l’acceptation du réel, de la mélancolie sans amertume et des retrouvailles. Tout au long du roman je me suis demandé : »Quand vont ils se retrouver? C’est impossible qu’ils ne se retrouvent pas » . La dernière scène c’est presque l’incipit de leur roman à eux, qui s’achève quand Obinze frappe à la porte. Point final, l’histoire d’ Ifemelu et Obinze recommence, ça ne regarde plus qu’eux…

P.Lambert