Nos vies désaccordées de Gaëlle Josse

   Pourquoi François Vallier, le narrateur, pianiste de renom, lâche soudainement engagements, concerts, Steinway adoré et compagne flamboyante ? Peut-être pense-t-il avoir retrouvé la trace de son amour perdu, Sophie, la jeune femme fragile, ombrageuse, l’artiste tourmentée  au « regard indulgent ». De retour d’une tournée à l’étranger, il n’a jamais pu retrouver Sophie qu’il a passionnément aimée mais abandonnée dans des moments difficiles. Après trois ans de vide et de silence, il apprend qu’elle se trouve dans un hôpital psychiatrique ; c’est le choc et un départ précipité pour la province. François entreprend alors un parcours beaucoup plus difficile que « l’entrée en scène au Carnegie Hall » : avaler des kilomètres à travers une « campagne sinistre » qu’il abhorre, rencontrer infirmier et psychiatre méfiants, affronter un monde inconnu et attendre, attendre qu’on lui donne le feu vert pour revoir Sophie, devenue muette. Alors, il a le temps de revenir sur son histoire d’amour avec elle, leur passion commune pour Schumann, les fragilités de la jeune femme ; il s’examine, sans concession, lui qui n’aimerait « pas trop rencontrer un type » comme lui, lâche, jaloux. Le sentiment de culpabilité le taraude, même si un frère toxique n’est pas étranger à l’internement de Sophie.

    Les retrouvailles et la réparation sont-elles possibles ? Sophie a renoncé à tout sauf à écouter en boucle les enregistrements de Schumann. L’intérêt pour ce roman réside sans doute moins dans l’attente du dénouement que dans cette histoire d’amour tragique, entre deux vies désaccordées. L’écriture de Gaëlle Josse poétique et métaphorique  rend la partition plus légère.

Cécile