JUSTE LA FIN DU MONDE – LE FILM

Adapter une pièce de Jean-Luc Lagarce n’est pas chose aisée : le théâtre de Lagarce, nous l’avons dit, c’est celui de la parole, des non-dits, des dialogues et monologues. Xavier Dolan modifie significativement la pièce JUSTE LA FIN DU MONDE mais il montre également qu’il l’a beaucoup aimée pour sa force, ses thèmes (la famille et ses névroses, le mal-être, la nostalgie, les frustrations, le langage…), ses personnages (le frère agressif, la belle-sœur maladroite, la mère nerveuse…) et c’est bien à cela que le réalisateur s’attache en filmant les acteurs au plus près, leurs regards très mobiles, leurs émotions, leur respiration, leur transpiration, leur fébrilité. Dolan use, parfois abuse, de gros plans sur les visages : les yeux sont réellement les miroirs des sentiments des personnages ; les regards affolés, larmoyants, ahuris ou appuyés, les yeux écarquillés, brillants ou injectés de sang expriment la peur (celle de Louis pour annoncer sa mort prochaine), la souffrance (chacun souffre à sa façon), l’incompréhension. Toute la famille est perturbée par le retour de Louis et justement nous assistons au huis-clos de cinq personnages en quête de réponse : pourquoi Louis est-il revenu ? Louis, lui-même, est-il certain d’être revenu seulement pour annoncer sa mort ? Et tout se passe là : puisque les personnages ne parviennent pas à trouver les mots justes pour exprimer leur désarroi, leurs doutes, la caméra de Dolan capte le moindre mouvement, battement de cils, frémissement ; Gaspard Ulliel et Marion Cotillard excellent d’ailleurs dans ce jeu d’acteurs très précis (retenues, hésitations, bégaiements, silences), ils sont, de ce fait, très proches des personnages de la pièce de Lagarce. Le jeu des autres personnages semble plus outré. Il est dommage que Vincent Cassel, qui campe le personnage du frère, se montre si  brutal et ordurier (cela dès  l’arrivée de Louis) et que la mère (Nathalie Baye) et parfois Suzanne, la sœur (Léa Seydoux) soient parfois à la limite de l’hystérie. Les premières scènes de huit-clos ne sont pas les plus réussies ; trop de cris, d’agitation : un sur-jeu qui tend à la caricature. Par contre, plus on avance dans le film, plus le jeu des acteurs sonne juste ; notons particulièrement la scène émouvante entre Louis et sa mère (perspicace, sensible) et la scène dans la voiture entre Antoine et Louis (Vincent Cassel a alors un jeu plus sobre qui correspond pourtant très bien à son état d’esprit : il ne supporte pas son frère, ses manières, ses sourires, il se sent manipulé par les paroles de Louis, pourtant quasi mutique.

Malgré ces restrictions JUSTE LA FIN DU MONDE n’en demeure pas moins un bon morceau de cinéma.

Cécile