LE QUATRIEME MUR de SORJ CHALANDON

LE QUATRIEME MUR, roman intense et bouleversant! On comprend pourquoi les lycéens lui ont attribué leur Goncourt en 2013 ! Cette fiction, fortement imprégnée de réalité historique et politique, est une histoire d’amitié et de résistance et d’une certaine façon une relecture d’ANTIGONE de Jean Anouilh. George, le narrateur, éternel étudiant et militant d’extrême gauche, se lie d’une amitié indéfectible à Samuel, réfugié grec et homme de théâtre. Conversations passionnées, manifestations anti-fascistes : les deux hommes, très différents, partagent des moments intenses ; et, surtout, Samuel a un projet fou qu’il ne pourra finalement pas mener à bien parce que très malade :  monter ANTIGONE  dans Beyrouth en guerre. George doit promettre de se rendre au Liban, de réunir les acteurs déjà choisis par Sam, hommes et femmes, de confessions et de camps différents – chrétiens, chiites, sunnites, Druzes – , d’organiser les répétitions  et la représentation unique dans un lieu « neutre’. « Offrir un rôle à chacun des belligérants. », « Offrir la paix entre cour et jardin », voilà un pari fou. Après appréhension et doutes, George laisse sa femme et sa petite fille à Paris et se lance dans l’aventure. Le projet de Sam devient le sien mais il  est alors confronté à la guerre et sa vie en sera à jamais bouleversée.

Sorj Chalandon, comme dans ses autres romans (PROFESSION DU PERE, MON TRAITRE…) happe le lecteur non seulement par le récit haletant qu’il mène et la violence qui s’en dégage mais aussi par le portrait de personnages attachants, engagés. De beaux personnages qui, même ennemis parfois, vivent de véritables moments de grâce lors d’une répétition : » Imane a souri. Puis elle a inspiré, tendue, poings le long du corps. Elle a baissé la tête, cherchant tout au fond d’elle un autre regard que le sien… J’ai cessé de respirer. La fille a relevé la tête. Le garçon a ouvert d’autres yeux. L’instant fut magnifique. Deux acteurs se mesuraient. Ni chrétien, ni sunnite, ni Libanais, ni Palestinienne. Deux personnages de théâtre. Antigone et Créon. »